L’Assemblée nationale s’interroge sur les avancées et les perspectives de la recharge des véhicules électriques
La Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a reçu plusieurs représentants de la filière, dont l’Avere-France, pour aborder la question des besoins de recharge de véhicules électriques. Des avancées des projets publics et privés aux perspectives pour 2030, les échanges ont tracé la route à suivre pour réaliser la mise en cohérence des réseaux de bornes de recharge.
Les projets d’installation de bornes de recharge tarderaient-ils trop à se concrétiser ? C’est l’une des questions qui a animé l’audition, le 8 février dernier, d’un panel d’acteurs de l’électromobilité en Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, à laquelle a pris part l’Avere-France.
Où en sont les opérateurs de dimension nationale ?
Directement intégré au dispositif ADEME de financement des bornes de recharge publique, le Commissariat général à l’investissement n’a pas fait mentir ce constat. Seulement 15% des 20 533 points de recharge provisionnés sont aujourd’hui en service, a-t-il avancé. L’Avere-France a rappelé à ce titre que « les retards sont dus non à l’échec des projets mais de plusieurs facteurs » : concertation entre collectivités dans le cas des groupements de commande, les délais de livraison des bornes, le raccordement…
Si la discussion n’avait pas pour vocation de se substituer au rapport que les opérateurs de dimension nationale doivent remettre au gouvernement, elle a apporté un éclairage attendu de tous sur les avancées des trois entreprises « labellisées », la Compagnie nationale du Rhône (CNR), Sodetrel et Bolloré.
Porté par CNR, le plus petit réseau d’entre eux, constitué de 27 stations de recharge rapide le long du Rhône, a été finalisé. Celui de Sodetrel approche quant à lui de son terme avec 187 bornes sur 200 installées. Les interrogations se sont donc portées sur le projet Bluelib’ de 16 000 points de charge, dont Bolloré avait confié aux Echos en décembre qu’il serait réajusté.
Le vice-président de Blue Solutions, Didier Marginèdes, laisse entrevoir une vision moins optimiste. « Il nous est difficile de nous engager sur des investissements lourds par rapport aux engagements consentis il y a quelques années [estimé à 3 milliards d’euros], compte tenu de l’évolution technologique des batteries et de l’évolution des usages des véhicules », explique-t-il. Cela ne signifie pas l’abandon total du projet, mais le déploiement des stations dans un futur proche semble désormais peu probable.
Les défis à relever de la recharge
Les incertitudes sur le projet Bluelib’ lèvent ainsi le voile sur une réalité qui pourrait se profiler, à savoir la répétition d’une fracture territoriale (75% du territoire est aujourd’hui couvert par un schéma de déploiement de bornes de recharge). C’est pourquoi la grande majorité des intervenants a plaidé pour une poursuite des financements de l’Etat, à laquelle n’est pas favorable le CGI. L’Avere-France estime pourtant « qu’il y a dix millions de foyers en France [pour qui] l’infrastructure de recharge accessible au public est souvent la source principale de recharge ».
Cet enjeu rejoint l’autre question cruciale : la définition d’un modèle économique viable, qui puisse prendre en compte les frais d’exploitation en plus des coûts d’investissement. Une question d’autant plus importante qu’il s’agit de ne pas encourager des disparités locales trop fortes en matière de tarification…
En dehors de l’itinérance dont la nécessité tant sur les plans réglementaire que pratique n’a pas fait débat, deux autres aspects doivent être pris en compte pour continuer à développer la recharge publique, expose Pascal Houssard pour la FNCCR. Cela concerne l’impact sur le réseau de distribution d’électricité et le renforcement de l’intégration du véhicule électrique avec les énergies renouvelables.
Le développement du véhicule électrique n’est pas un problème pour le réseau
Ces questions ont trouvé des réponses précises dans l’intervention de Thomas Veyrenc de RTE. Face aux extrapolations sur le besoin en énergie que feraient naître les 4,5 millions de véhicules électriques visés par la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2030, il rappelle une évidence : « il n’y a aucune raison pour que toutes les actions de recharge soient synchrones ».
Surtout, « nous nous disposons, au niveau collectif, de leviers suffisants pour gérer cette charge soit en faisant en sorte de réduire encore l’appel de puissance au système, soit en partant du principe que la recharge pourra être pilotée ». Sans attendre l’arrivée du V2G, la recharge intelligente en dehors des pics de consommation a un rôle fondamental à jouer. « Certains instituts ont montré qu’en panachant charge naturelle et charge pilotée dans une proportion de 60-40, on limiterait à 3 gigawatts l’appel de puissance en 2030 », argumente-t-il.
C’est ce même pilotage de la recharge qui permet de mieux arrimer le véhicule électrique au développement des énergies renouvelables. Il offre une possibilité de faire concorder des besoins en énergie avec l’intermittence des ENR.
Dans ce contexte, les perspectives pour le réseau sont rassurantes, voire optimistes ! « L’impact sur le réseau national d’une généralisation des véhicules électriques serait indéniable mais, du fait des multiples leviers dont nous disposons, les visions catastrophistes peuvent être écartées et les solutions mises en œuvre vont permettre de créer de la valeur pour les usagers et pour le système », conclut Thomas Veyrenc.
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