Journée Mov’éo Hydrogène et Transports – mythes et réalités : notre compte-rendu
Le 17 mai, le pôle de compétitivité Mov’eo organisait à Rouen une journée baptisée « Hydrogène et Transports : mythes et réalités ». Plus de 180 personnes étaient réunies dans l’Hémicycle de l’Hôtel de Région Normandie pour balayer les idées reçues et comprendre ce qu’il faut attendre du développement de la technologie.
Le 17 mai 2017, le pôle de compétitivité Mov’eo organisait à Rouen une journée baptisée « Hydrogène et Transports : mythes et réalités ». Plus de 180 personnes étaient réunies dans l’Hémicycle de l’Hôtel de Région Normandie pour assister aux nombreuses interventions proposées.
Des acteurs très divers de la filière hydrogène dans les transports – dirigeants d’entreprises, membres d’associations ou encore représentants de l’État et des collectivités locales – ont livré leur analyse, expérience ou tout simplement point de vue sur la place de l’hydrogène dans les transports. Tous partisans d’un développement de la filière à plus ou moins court terme, ils n’ont pas hésité à en reconnaître les multiples avancées, mais sans oublier qu’il lui reste encore de nombreux défis à relever.
Hydrogène et transports : une alliance hier possible, aujourd’hui effective …
En matière de véhicule propre, deux technologies sont aujourd’hui à considérer : la batterie, installée dans le paysage du transport, et la pile à combustible fonctionnant à l’hydrogène, qui émerge progressivement sur le marché. S’il n’est pas récent, le rapprochement entre la filière automobile et celle de l’hydrogène a récemment franchi plusieurs étapes importantes, encouragé par la chute de plusieurs barrières qui empêchaient jusqu’alors la construction de modèles économiques viables.
La filière elle-même s’est structurée de manière à pouvoir place une technologie jusqu’à alors plutôt expérimentale au cœur des mobilités de demain. La recherche sur les piles à combustibles a notamment permis de stabiliser les systèmes de propulsion, réduisant par l’occasion le risque d’explosion des moteurs : c’est là un élément majeur du cadre d’homologation européen mis en point en 2009. Par ailleurs, les industriels ont considérablement mis l’accent sur la sécurisation de la technologie : l’accidentologie est scrutée de près, et les infrastructures de recharge et de stockage de gaz font l’objet de contrôles réguliers.
Preuve du développement de la technologie, la quasi-intégralité des moyens de locomotion peuvent être équipés de piles à combustible : vélos, véhicules techniques de type chariots élévateurs, voitures, utilitaires légers, camions – y compris poids-lourds et bennes à ordures -, et même trains. Cette variété d’usages est déjà bien perceptible. En 2017, le nombre de véhicules à hydrogène circulant dans le monde est estimé à 5 000, dont 300 en Europe et 180 en France ; 300 stations de ravitaillement sont également décomptées, dont 100 sur le Vieux Continent.
…liée à la mise en mouvement d’une très grande variété d’acteurs…
La montée en puissance désormais irréversible de l’hydrogène résulte plus largement de l’implication inédite d’un ensemble d’acteurs : jamais le secteur public, les industriels et le monde de la recherche n’avaient autant travaillé de concert sur le sujet. Cependant, toutes les régions du monde n’affichent pas le même dynamisme sur le sujet : alors que l’Asie et les États-Unis font chaque année breveter de nombreuses inventions, l’Europe affiche un retard certain imputable à la différenciation des niveaux d’engagement selon les pays, ce qui n’empêche pas la France de se montrer ambitieuse.
Plusieurs grands constructeurs intègrent cette technologie à leur stratégie commerciale, comme Honda ou encore Toyota. Le secteur privé peut également afficher en interne ses ambitions sur la mobilité propre en renouvelant ses flottes d’intervention avec des modèles non polluants, ce qu’a par exemple fait La Poste. Cependant, compte-tenu des coûts importants qu’engagent l’acquisition des véhicules ainsi que l’installation des points de charge, les entreprises font souvent le choix de la mutualisation, ce qui leur permet de partager les coûts de maintenance mais aussi d’améliorer considérablement leur retour sur investissement. On notera enfin la multiplication des partenariats public-privé, aussi bien entre des grands groupes (Engie, Michelin) que des PME (McPhy, Symbio) ou encore des instituts de recherche (CEA, CNRS).
Cette position du secteur privé complète un accompagnement public qui a tendance à gagner en importance à toutes les échelles : depuis 2008, 1,3 milliard d’euros de fonds européens ont été mis sur la table pour développer le marché, sans compter les initiatives plus nationales. En France, l’État s’est doté de plusieurs outils pour dynamiser le secteur : Programme d’Investissement d’Avenir, appels à projets « Territoires Hydrogène », et enfin loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte.
Reste encore la question de l’acceptabilité sociale, à laquelle plusieurs réponses peuvent être apportées. Il s’agit de garantir une communication la plus complète et régulière possible entre ingénieurs – qui envisagent souvent les usages de manière simpliste -, les économistes – qui ont tendance à ne raisonner qu’en terme de coût – et les clients – qui raisonnent simplement en terme de valeur perçue. Le défi est donc de rendre toute la valeur du véhicule à hydrogène la plus visible possible, que ce soit par des démonstrations pour le grand public, ou encore par du lobbying auprès des acheteurs plus spécialisés.
…auxquels incombent encore d’importants défis
En dépit de ce mouvement d’acteurs, la pile à combustible doit encore franchir de nombreux obstacles. Certains industriels, toujours sceptiques sur la viabilité du modèle économique de la filière, se montrent prudents et attendent des améliorations techniques notoires des systèmes actuellement proposés sur le marché. À supposer que ceux-ci atteignent des performances exceptionnelles, encore faudra-t-il qu’ils soient accessibles à un prix raisonnable, et même s’il a chuté de 45% entre 2012 et 2016, le prix du véhicule à hydrogène reste encore dissuasif.
Pour dépasser ces enjeux, la filière semble vouloir miser sur la collaboration entre acteurs. Si un tissu européen est en train de se constituer en Europe dans le cadre de politiques de clustering industriel, la question du coût nécessite elle-aussi un double mouvement public et privé, avec d’une part un soutien par une fiscalité avantageuse, et d’autre part une massification de la production, seul moyen de faire chuter le coût unitaire du véhicule. Quant à l’infrastructure, elle avoisine actuellement le million d’euros – hors frais de raccordement -, mais dispose d’une capacité à l’heure cinq fois plus importante que celle d’une station de recharge.
Une fois la question de l’offre réglée, il faut se préoccuper de la demande, et là aussi, il faudra pouvoir tenir le rythme. Une croissance non anticipée et trop brutale du parc à hydrogène combinée à un manque d’étalement des recharges engendrerait des appels de puissance trop importants qui menaceraient la stabilité du réseau électrique : il sera donc nécessaire de prévoir le stockage de l’énergie en quantité suffisante et dans de bonnes conditions.
Enfin, la pile à combustible pose un certain nombre d’enjeux en matière de durabilité. Coûteux à l’achat, les véhicules à hydrogène doivent être en mesure de conserver un fonctionnement optimal à long terme sans nécessiter des réparations trop fréquentes. Quant à la production d’hydrogène, qui pourrait être multipliée par 20 d’ici 2050, elle devra être assurée grâce aux énergies renouvelables, soit par électrolyse de l’eau, soit par la biomasse, soit par les algues que l’on prive de soufre.
À l’horizon 2030, l’hydrogène se rêve en solution mature : pour la conduite, il s’avèrerait très avantageux sur les longues distances, tandis que les batteries l’emporteraient en ville. La solution serait donc un véhicule électrique hybride pile à combustible/batteries pour couvrir tous les environnements de conduite en optimisant coûts et performances. Les technologies ne s’opposent pas les unes aux autres mais se complètent pour permettre autonomie et variété des usages.
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