Pour le CESE, la France doit accélérer pour rattraper son retard dans la transition énergétique
Deux ans après la promulgation de la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le Conseil Economique, Social et Environnemental alerte les pouvoirs publics sur les retards observés dans l’ensemble des domaines concernés. L’assemblée consultative appelle le gouvernement à se donner les moyens d’atteindre les objectifs fixés dans la loi.
Le Conseil Economique, Social et Environnemental s’est autosaisi de l’évaluation des avancées dans le domaine de la transition énergétique. Trente mois après la promulgation de la loi, l’assemblée représentative de la société civile pointe du doigt de nombreux retards dans l’ensemble des domaines concernés : logements, agriculture, énergies renouvelables et mobilités.
Un avis consultatif en prévision du PPE 2018
Le CESE a publié son avis préalablement au débat public lié à la révision pour les dix prochaines années de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie.
Lors de la présentation du rapport, Anne-Marie Ducroux, Présidente de la section environnement, a rappelé que « les enjeux auxquels nous faisons face appellent des choix forts, [et] des comportements différents pour tous » à appliquer rapidement.
En 2015, la Loi relative la transition énergétique pour la croissance verte a engagé des objectifs ambitieux pour la France, régulièrement confirmés par les acteurs publics. La Présidente a par exemple rappelé l’ambition de diviser par quatre les émissions d’ici à 2050, voire de viser la neutralité carbone comme précisée dans le Plan Climat de juillet 2017.
« Le climat n’attend pas » a martelé Madame Ducroux durant l’audition des corapporteurs, Madeleine Charru et Guillaume Duval. Dans le cadre de ses missions de suivi, le Conseil a ainsi souhaité faire le point sur les mesures engagées et proposer des solutions afin de remédier aux dysfonctionnements observés.
Une application difficile du texte
Le constat est sans appel pour le CESE : de nombreux retards sont observés dans tous les domaines couverts par la LTECV. Pour les rapporteurs, « la trajectoire observée n’est pas la bonne ».
Alors que l’objectif premier de cette loi est de réduire les émissions de CO2, les rejets sont repartis à la hausse depuis 2015, surtout dans le domaine des transports et du bâtiment tertiaire. Pour les auteurs du rapport, la baisse observée auparavant était principalement du fait des difficultés économiques du pays depuis la crise financière de 2008.
Le développement des sources de production d’énergie renouvelable s’avère toujours aussi complexe en France par rapport aux autres pays européens. A la fin de l’année 2016, le pays pointait à l’avant-dernière place avec seulement 16 % de ses besoins énergétiques couverts par de l’énergie d’origine renouvelable, malgré un objectif fixé à 23 % pour 2020. Les rapporteurs s’inquiètent du retard pris dans le domaine, qu’ils jugent difficile à rattraper dans l’état actuel des choses.
Des moyens financiers importants à mobiliser
Le Conseil met en garde contre les différents retards observés et appelle le gouvernement à investir fortement pour atteindre les engagements prévus dans la loi. Alors que trente milliards d’euros, dont un tiers provient de la puissance publique, sont investis en France chaque année dans la transition énergétique, soixante milliards d’euros seraient nécessaires pour réussir pleinement la transition énergétique française. Pour le CESE, il faut donc se fixer des objectifs réalistes que l’on peut tenir et se donner les moyens organisationnels, financiers et humains d’y arriver.
Pour accélérer la transition énergétique, le CESE demande à l’Etat de « mobiliser des moyens financiers à la hauteur de l’urgence climatique ». Dans le cadre du grand plan d’investissement du gouvernement promettant vingt milliards d’euros pour ces actions, les rapporteurs souhaitent que le fond dédié soit porté à 35 milliards d’euros sur toute la durée du quinquennat. Ils souhaitent également qu’une part de la taxe carbone soit reversée aux collectivités locales engagées dans la transition écologique, afin d’atteindre « 15 % de projets d’énergies renouvelables incluant une participation citoyenne à l’horizon 2030 ».
Enfin, les auteurs invitent à négocier avec la Commission Européenne afin d’exclure des critères de déficit et de dettes publics les investissements réalisés dans la transition écologique.
Des recommandations sur les méthodes à mettre en œuvre
Afin d’atteindre l’objectif de 23 % d’énergie d’origine renouvelable dans le mix énergétique français d’ici à 2020, le CESE propose de piloter les différents projets de production à l’échelle régionale et non plus nationale. En mettant les collectivités locales au cœur des projets, les rapporteurs visent à réduire le retard pris, qui « résulte notamment de la complexité d’un pilotage national de la transition énergétique peu lisible et peu efficace ». Les nombreuses instances impliquées alourdissent aujourd’hui le processus de décision et rendent « les responsabilités respectives […] peu claires ».
Concernant l’abandon de la baisse à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique français d’ici à 2025, l’assemblée demande à ce qu’une nouvelle échéance soit fixée par le gouvernement avant 2035.
Dans le domaine des mobilités, les politiques d’urbanisme à venir devront proposer des aménagements limitant les déplacements. Le rapport invite à faire des choix pour privilégier les alternatives au transport routier individuel, comme les transports en commun, le télétravail ou le développement du covoiturage courte-distance. Pour les auteurs, les choix réalisés dans les infrastructures engagent les émissions des cinquante prochaines années et doivent être faits en cohérence avec l’objectif de neutralité carbone. Le Conseil a par ailleurs insisté sur la nécessaire neutralité technologique dans les investissements afin de ne pas miser uniquement sur le seul véhicule électrique.
Si l’Avere-France reconnait l’importance d’un positionnement neutre, basé tant sur les émissions de CO2 que sur les polluants atmosphériques, elle rappelle qu’il faudra rester vigilant à ce que la filière électromobile ne soit pas oubliée des politiques de soutien de l’Etat. En effet, l’idée selon laquelle le développement de l’électromobilité est aujourd’hui acquis est basée sur une vision erronée des enjeux. Avec seulement 1,2 % de parts de marché aujourd’hui, le succès du véhicule électrique reste dépendant d’un soutien public actif.
En conclusion, le rapport met en garde le gouvernement sur les effets que pourrait avoir la baisse des dotations aux collectivités, qui risquerait de freiner leurs projets dans le domaine des énergies renouvelables et des mobilités. Il rappelle également la nécessité de fixer un calendrier précis et de stabiliser les aides dans le temps, afin d’améliorer la visibilité des programmes de soutien. Il faudra alors rester vigilant, ce que ne manquera pas de faire le Conseil Economique, Social et Environnemental.
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