Voiture électrique : la Chine au cœur d’une analyse de France Stratégie
Revenant sur les dix dernières années écoulées et sur les perspectives à venir, une analyse de France Stratégie présente la Chine comme la nouvelle locomotive mondiale pour la mobilité électrique. Modèles rechargeables, bornes de recharge et quotas : l’étude fait le point sur les différentes incitations et obligations mises en place pour faire de l’Empire du Milieu un pays incontournable de la mobilité électrique.
En 2009, elle ne produisait qu’une poignée de véhicules électriques… aujourd’hui, la Chine est devenue un véritable eldorado pour l’électromobilité, attirant des investissements massifs venus de l’étranger.
On estime ainsi à plus d’un million le nombre de modèles électriques vendus en Chine en 2018, soit la moitié des ventes mondiales. Un essor spectaculaire qui ne ferait que commencer. A horizon 2020, la Chine s’est ainsi fixé un objectif de de deux millions de véhicules électriques vendus, bus et utilitaires légers compris. A horizon 2030, l’objectif passe à 16 millions, soit plus de 40 % du marché des véhicules neufs.
Des champions nationaux
Nio, Byton… si la Chine fourmille de nouvelles startups spécialisées dans l’électrique, ce sont aujourd’hui les constructeurs historiques nationaux qui se partagent le marché, occupant les onze premières places des ventes de voitures électriques. Le premier constructeur étranger, Tesla, n’arrive qu’en douzième position.
Un leadership des sociétés chinoises qui ne s’arrêtent plus aux seules voitures. Dans le domaine des batteries, les acteurs locaux ont mis les bouchées double pour rattraper leur retard et caracolent désormais en tête de la production mondiale. Selon France Stratégie, quatre atouts ont contribué à cette « success story » : la richesse du marché intérieur en termes de volumes, l’interventionnisme parfois « agressif » des autorités chinoises en matière de protectionnisme, la stratégie de rachat d’entreprises spécialisées initiées il y a plusieurs années et le contrôle important exercé par la Chine sur les matériaux rares.
Un bon alignement des planètes et largement orienté qui a permis au chinois CATL de devenir fin 2017 le premier fabricant mondial de batteries pour automobiles, devançant Panasonic. En 2017, sept entreprises chinoises figurent ainsi dans le top 10 au niveau mondial, s’accaparant pas moins de 60 % de la production.
Des infrastructures de recharge toujours plus nombreuses
Concernant la recharge, les objectifs des autorités chinoises sont tout aussi ambitieux que ceux liés aux ventes.
Selon France Stratégie, la Chine compte aujourd’hui 280 000 bornes de recharge publiques, soit une borne pour huit voitures électriques. Un chiffre qui ne tient pas compte des quelques 365 000 points de recharge installés dans le domaine privé.
A l’échelle nationale, les autorités chinoises se sont fixées un objectif de 4,8 millions de bornes en libre-service d’ici à 2020. Une montée en puissance portée par la diminution des coûts d’installation, le développement du marché et les réalisations des opérateurs qui multiplient les corridors électriques.
Une politique particulièrement volontariste
« L’essor spectaculaire du véhicule électrique en Chine doit beaucoup à la panoplie d’outils économiques mis en place par les dirigeants chinois » souligne le rapport, qui note un bon équilibre entre les aides « directes » et « indirectes ».
Modulées en fonction de l’autonomie, de la consommation et de la densité énergétique des batteries, les aides chinoises pouvaient atteindre l’équivalent de 2 500 euros pour une voiture électrique à l’autonomie inférieure à 150 kilomètres, et jusqu’à 5 600 euros pour un véhicule permettant une autonomie supérieure à 250 kilomètres. Parfois complétées par des dispositifs locaux, ces aides s’avèrent aujourd’hui essentielles pour compenser le surcoût lié à la technologie électrique.
LMes autorités chinoises se servent également du levier de la commande publique pour accélérer l’électrification des flottes. A Shenzhen, l’intégralité des 16 000 bus sont passés à l’électrique fin 2017 et quelque 12 500 taxis devraient faire de même d’ici 2020.
Voies réservées, péage et stationnement à prix réduit, absence de restriction de circulations… A l’échelle nationale ou locale, les utilisateurs de voitures électriques bénéficient également de nombreuses aides indirectes leur facilitant le quotidien.
2018-2020 : années du changement
De grands changements sont attendus sur le marché chinois au cours des prochains mois, avec la fin des subventions réservées aux marques chinoises et surtout l’instauration des quotas de production.
Jugées trop coûteuses compte tenu des ambitions des autorités, les subventions directes doivent progressivement disparaitre d’ici à la fin 2020 pour céder la place au nouveau dispositif des « quotas de production » dont l’entrée en vigueur est prévue l’année prochaine. Un système à « double score » qui impose aux constructeurs une proportion de modèles électriques et un niveau d’émissions de gaz à effet de serre dans leurs ventes globales.
« Avec le double score, les incitations [primes à l’achat] qui ciblaient auparavant les acheteurs cibleront désormais les constructeurs » souligne France Stratégie.
En termes de quota de véhicules à faibles émissions, le premier objectif est fixé à 10 % en 2019, puis 12 % en 2020. Chaque constructeur se verra attribuer des « crédits VE » en fonction du nombre de modèles électriques vendus, de la technologie (hybride rechargeable, électrique ou hydrogène) et aussi de l’autonomie en mode électrique. Plus celle-ci sera élevée, meilleur sera le coefficient. Comme en Californie, les constructeurs en excédents pourront revendre leurs quotas aux constructeurs n’ayant pas atteint les objectifs.
A ce principe des quotas s’ajoute un calcul du niveau d’émissions, l’état fixant pour chaque constructeur des objectifs de consommation de carburant variables selon le type de véhicule (thermique, hybride rechargeable) et son poids.
Ouverture aux constructeurs étrangers
Autre changement notable instauré en 2018 : la levée des obstacles liés à l’investissement des constructeurs étrangers, ces derniers ayant jusque-là l’obligation de s’associer avec une entité chinoise pour s’installer dans le pays. Depuis cette année, la restriction est levée pour les voitures électriques, de quoi libérer l’investissement des marques étrangères.
Une décision à laquelle s’ajoute la réduction des droits de douane pour les véhicules importés. En dehors des voitures assemblées aux Etats-Unis et taxées à 40 % en raison de la guerre commerciale opposant les deux pays, la Chine a réduit de 25 à 15 % ses droits de douane sur les automobiles importées, depuis le 1er juillet 2018.
Selon France Stratégie, la politique chinoise pourrait également favoriser l’émergence de l’électrique à l’échelle mondiale. « La stratégie chinoise pourrait bien avoir pour conséquence d’accélérer le basculement de l’industrie automobile vers les véhicules électriques. D’autant que grâce à sa présence dans l’actionnariat des constructeurs occidentaux, la Chine va bénéficier d’un accès privilégié au marché automobile européen pour les voitures électriques qu’elle produira chez elle » commente la note d’analyse.
Illustrations : France Stratégie