Etude Ademe/IFPEN : un plaidoyer contre l’augmentation de la taille des batteries
[Adhérents] Dans le cadre d’un petit-déjeuner réservé à ses adhérents, l’Avere-France a invité l’IFPEN et l’Ademe a présenter les hypothèses retenues et les résultats obtenus pour l’élaboration de l’étude « Bilan transversal de l’impact de l’électrification par segment ». Retour sur les tenants et aboutissants de celle-ci.
L’IFPEN et l’Ademe ont souhaité au travers de cette étude définir et quantifier, d’un point de vue économique et environnemental, la technologie la plus adaptée à chaque segment de véhicule, tout en prenant en compte la criticité des matériaux. Celle-ci s’intègre dans une réflexion prospective à horizon 2030.
Depuis le « Dieselgate » de 2015, les véhicules électriques et hybrides rechargeables bénéficient d’un nouvel enthousiasme de la part du public, dans la mesure où le diesel était le principal segment de masse pour diminuer le grammage CO2 du parc automobile.
Malgré une hausse des ventes de véhicules rechargeables, les émissions de gaz à effet de serre ne baissent pas autant qu’espérer. En France, ces dernières ont augmenté de 1,75 % entre 2016 et 2017, soit 8 millions de tonnes équivalent CO2 supplémentaires. En effet, les Français sont de plus en plus nombreux à se tourner vers des modèles de type SUV et acquièrent davantage de véhicules essence. Il est donc nécessaire d’accélérer le passage à l’électrique, eu s’assurant que celui-ci soit le plus efficient possible au regard des gains réels pour les utilisateurs, de l’impact environnemental global et de l’alimentation en métaux.
Une méthodologie complète
L’étude s’est voulue la plus exhaustive possible et a pris en compte de nombreux critères. La méthodologie utilisée s’est ainsi scandée en quatre parties :
- Une analyse de la consommation énergétique, du réservoir à la roue
- Une analyse du coût total de possession
- Une analyse du cycle de vie et des impacts environnementaux
- Une étude sur la criticité du lithium dans un contexte mondial
- Le véhicule particulier urbain
- Le véhicule particulier moyen gamme
- Le véhicule particulier haut de gamme
- Le véhicule utilitaire léger
- Le bus
- Les poids lourds de livraison
- Le poids lourds routiers
- Une réduction de la masse
- Un aérodynamisme amélioré
- Des pneumatiques moins énergivores (- 20 %)
- Une amélioration de la densité de puissance du moteur
- Une amélioration de la densité massique des batteries
- Une évolution du mix énergétique français
- Coût de l’énergie : 0,12 euro/kWh et 1,32 euro/L d’essence, avec une revalorisation du coût de l’électricité de + 30% à horizon 2030
- La suppression des aides à l’achat en 2030
- Un kilométrage moyen de 12 000 kilomètres/an pour les véhicules particuliers urbains et 15 000 kilomètres/an pour les véhicules urbains moyen gamme
- Une durée de possession de dix ans
- Un véhicule à essence consomme fortement entre 0 et 30 kilomètres/heure puis décroît
- Un véhicule hybride rechargeable a les mêmes effets que le véhicule a essence de manière moindre
- Un véhicule électrique voit sa consommation décoller à partir de 70 kilomètres/heure
Différentes technologies d’électrification
Plusieurs technologies d’électrification cohabitent aujourd’hui et chacune apporte des avantages propres. Par exemple, le mild hybrid 48 V a permis de démocratiser le moteur électrique grâce au « Stop & start » ou à la régénération d’électricité. L’étude a donc souhaité aborder l’ensemble de ces technologies.
Un TCO et une ACV favorables pour le véhicule électrique particulier
Sur le segment du véhicule urbain, l’étude a retenu plusieurs hypothèses dont la multiplication par 2, voire 2,5, de la densité de puissance du moteur et de 2 pour la densité massique des batteries.
Sur dix années de possession, l’électrique s’avère être la solution la plus économique sur le segment du véhicule urbain particulier, malgré un coût d’acquisition plus important que pour un équivalent thermique. Avec les améliorations techniques des batteries et la réduction de leurs coûts, le véhicule électrique devrait consommer 0,24 euro/kilomètre contre 0,305 euro/kilomètre pour un modèle essence en 2030. A cet horizon, la motorisation électrique sera ainsi la solution la plus rentable grâce aux évolutions technologiques et la massification du marché permettra des économies d’échelle.
Plusieurs participants ont fait remarquer que le coût de l’investissement initial pris en compte était élevé au regard de nombreuses études démontrant que le coût d’acquisition d’un véhicule électrique serait inférieur à celui d’un thermique dès 2025. En effet, les hypothèses retenues ne prennent pas en compte la mise en place de nouvelles normes et de filtres sur les modèles thermiques.
L’étude a également intégré le coût d’un remplacement de batterie au bout de huit ans pour les véhicules électrique, à 110 dollars/kWh. En prenant l’hypothèse d’une durée de possession de dix ans, il faudrait donc 1,15 batterie par véhicule. Or, les données concernant la réelle durée de vie d’une batterie ne sont pas encore entièrement connues, la filière ne disposant pas du recul nécessaire pour l’observer. S’agissant d’un sujet sensible, l’IFPEN et l’Ademe ont ainsi préféré intégrer cet item à l’étude, ce qui a impacté l’ACV et le calcul du TCO.
Concernant l’analyse du cycle de vie, l’étude prend comme hypothèse un mix énergétique à l’échelle de l’Union Européenne carboné à hauteur de 400g CO2/kWh. Entre 2015 et 2030, les véhicules particuliers électriques et hybrides rechargeables présenteraient donc des gains non-négligeables grâce à l’amélioration des performances des batteries, et ce malgré l’augmentation de leur capacité.
Véhicule moyen de gamme : avantage à l’électrique
Sur le segment C, le TCO d’un véhicule électrique est avantageux à l’heure actuelle grâce au bonus écologique, et le restera en 2030 même sans aides à l’acquisition.
L’Ademe et l’IFPEN ont également calculé le TCO d’un modèle électrique doté d’un pack batteries plus important et permettant de parcourir 700 kilomètres. Le calcul économique s’annonce est moins avantageux au regard d’un pack batteries de moindre capacité. De plus, une telle capacité de stockage sera-t-elle nécessaire avec le fort développement des infrastructures de recharge ?
L’ACV d’un hybride rechargeable n’est pas arrêtée car elle dépend fortement des usages du conducteur et de la régularité de la recharge. Si l’utilisateur ne recharge pas sa batterie de manière régulière, alors les émissions globales du véhicule PHEV augmentent fortement. Ainsi, un hybride rechargeable doté d’une petite batterie rechargée régulièrement est une bonne solution aujourd’hui.
L’électrification des bus déjà profitable
Sur le segment des bus, l’Ademe et l’IFPEN ont retenu un kilométrage annuel de 40 000 kilomètres et une durée de possession de 12 ans.
D’un point de vue économique, l’étude ne dispose pas de données sur les coûts des assurances mais intègre l’infrastructure de recharge pour les bus électriques, alors que le coût des stations de ravitaillement pour les modèles diesel n’est pas pris en compte.
En faisant abstraction de ce dernier point, l’étude indique que les bus hybrides sont déjà une solution plus économique que les véhicules diesel. En effet, le surcoût lié à l’investissement initial est compensé par les économies réalisées à l’usage.
En 2030, la baisse des coûts de production des bus électriques les rendra moins coûteux que les diesels et les hybrides, qu’importe la taille de la batterie.
Enfin, concernant l’impact environnemental, le bus électrique sera la meilleure solution disponible en 2030.
Le véhicule électrifié a de l’avenir
Au final, les résultats de l’étude confirment que les modèles conventionnels sont aujourd’hui les plus abordables en termes d’investissement initial mais que l’avenir est à l’hybridation et à l’électrification des véhicules. En 2030, le véhicule 100 % électrique sera le plus économique à condition que la batterie permette de parcourir entre 200 et 250 kilomètres et que le kilométrage annuel soit élevé.
D’un point de vue environnemental, la meilleure solution pour l’Ademe et l’IFPEN serait un véhicule électrique doté d’une batterie de la taille de celles équipant aujourd’hui les hybrides rechargeables, car l’analyse du cycle de vie montre des gains non négligeables grâce à une recharge régulière. Contrairement à ce qui a été dit dans les médias, l’étude est donc un plaidoyer contre l’augmentation de la taille des batteries.
La production de lithium n’est pas considérée par l’étude comme étant critique à horizon 2030, les réserves aujourd’hui identifiées devant suffire. En revanche, de nombreuses questions restent en suspens quant à la sécurisation de la filière en raison de tensions géopolitiques actuelles et à venir. Un rapport à ce sujet devrait prochainement être rendu public.
Quelle suite à donner à l’étude ?
L’Ademe et de l’IFPEN ont confirmé que la mobilité électrique était un domaine en constante et rapide évolution. Leurs travaux vont donc continuer et prendre en compte le développement du GNV et de l’hydrogène à horizon 2040, avec un approfondissement sur la production d’énergie sous l’angle d’une étude de sensibilité.
La salle a également fait remarquer l’intérêt d’intégrer la recharge à très haute puissance dans la prochaine étude, en prenant en compte différents mix énergétiques et les gains éventuels sur la taille des batteries.
Illustrations : Avere-France / rapport Ademe/IFPEN