Etude : l’autoroute électrique a un potentiel de réduction des émissions de 30 MtCO2 sur 20 ans
Électrifier les autoroutes pour alimenter de façon continue des poids lourds hybrides, c’est le concept que Carbone 4 a étudié par analyse coûts-bénéfices. Elle montre qu’un soutien de l’Etat à hauteur de 3 milliards d’euros permettrait au projet d’être rentable pour le secteur du transport routier tout en promettant de larges retombées positives pour l’environnement.
Si le véhicule électrique est déjà adopté par les professionnels de la livraison pour le dernier kilomètre, il est encore complètement absent ou presque du fret longue distance. Pourtant le besoin en solutions alternatives bas carbone se fait sentir. Alors que les poids lourds ne représentent que 5% de la circulation routière totale, ils comptent à eux seuls pour 5% des émissions nationales de gaz à effet de serre.
Le cabinet Carbone 4 a donc étudié, pour le compte d’acteurs de la chaîne de valeur de l’énergie et du transport routier, la possibilité de mettre en place des autoroutes électriques. L’intérêt est alors d’électrifier le transport de marchandises sans stockage massif d’énergie à bord. Les transporteurs auraient recours à des poids lourds hybrides qui fonctionneraient avec une alimentation électrique continue sur les autoroutes et avec leur moteur thermique le reste du temps.
Un tel projet conduirait à la pose d’infrastructures. Trois solutions se présentent : l’alimentation conductive par caténaires, l’alimentation conductive par rail au sol et l’alimentation inductive. Chacune d’entre elles nécessiterait des aménagements sur les véhicules (pantographes, collecteur d’électricité et bobines magnétiques) pour qu’ils puissent être chargés en continu.
La recherche d’une rentabilité économique pour le transporteur et l’exploitant
L’étude de Carbone 4 ne vient pas déterminer quelle technologie serait la plus adaptée. Elle se concentre sur la faisabilité économique du projet tant pour les transporteurs que pour le futur exploitant, qu’il soit ou non lié aux concessionnaires d’autoroutes.
Le modèle développé part de plusieurs hypothèses : l’exploitant aurait à débourser 1,5 millions d’euros par kilomètre d’autoroute pour équiper les axes de circulation en infrastructures, qui seraient compensés par un péage prélevé sur les poids lourds hybrides uniquement. Tout l’enjeu est d’en accueillir suffisamment.
Ce coût serait donc répercuté sur les transporteurs qui assumeraient en plus des frais de location estimés à 50% supérieurs que sur un modèle conventionnel.
L’avantage pour eux porterait naturellement sur les économies d’énergie à l’usage. Carbone 4 a donc cherché à évaluer combien de kilomètres un poids lourd hybride doit parcourir pour couvrir le surcoût à l’achat et réaliser des économies, et ce, dès sa première année d’exploitation.
Un projet efficient pour la transition énergétique
Les conclusions de l’étude permettent de montrer que « la viabilité des autoroutes électriques est atteinte sur les autoroutes à fort trafic qui accueillent au moins 14 000 poids lourds par jour à deux conditions alternatives » : si le prix du diesel est à 1,15 € par litre (soit 80$ le baril de pétrole) ou si les opérateurs de fret adaptent leurs parcours pour rouler davantage sur les autoroutes électriques. Ces conditions se retrouveraient sur un tronçon de 210 km.
Et que faire si l’on veut être plus ambitieux ? Carbone 4 a montré que l’Etat pourrait avoir un rôle à jouer en compensant les pertes de l’exploitant. L’électrification d’un tiers du réseau autoroutier peut, selon l’étude, réduire les émissions de CO2 de 30 MtCO2 sur 20 ans, réduire la dépendance de la France aux importations de pétrole et apporter des bénéfices en termes de qualité de l’air et de lutte contre les nuisances sonores.
Pour financer ces externalités, l’étude estime que 3 milliards d’euros sur 20 ans seront nécessaires, soit un soutien d’environ 100 € par tonne de CO2 évitée. « Ce coût est dans la fourchette basse des politiques de soutien existantes pour la transition énergétique », indique Carbone 4, qui juge le projet d’autoroute électrique globalement « efficient ». Pour donner un ordre de grandeur, ce coût est équivalent à l’investissement annuel dans l’ensemble du réseau ferroviaire.
D’autres formes d’interventions publiques restent possibles pour soutenir la démarche, comme la mise en place de zones à circulation restreinte ou encore la garantie de prix constants de l’électricité pour les transporteurs.
Alors, combien de temps à attendre pour passer du concept à la réalité ? Pas de réponse à ce jour, mais l’étude a été accueillie favorablement par Autoroutes et Tunnel du Mont Blanc (ATMB). « Les résultats de cette étude renforcent notre volonté d’avancer sur ces solutions innovantes de mobilité en proposant les infrastructures d’ATMB comme un laboratoire d’expérimentation en conditions réelles », souligne Florian Grange, Chef de projet innovation et développement. On ne demande qu’à voir !
Illustration : © SiemensGraphiques : © Carbone 4