L’Ademe place les voitures électriques et hybrides rechargeables au cœur de son nouveau scénario énergie-climat
L’Ademe a publié une actualisation de son scénario énergie-climat 2035-2050 ainsi que des propositions de mesures supplémentaires à déployer pour répondre aux enjeux du plan Climat, notamment dans le secteur du transport.
La neutralité carbone en 2050 est un objectif optimiste. Pour en faire une réalité, il va falloir mettre au point une feuille de route qui s’appuie sur des mesures complémentaires à ce qui est fait aujourd’hui. Les différents scénarios imaginés pour réussir la transition énergétique doivent être précisés, notamment dans le secteur des transports.
C’est dans ce contexte que l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) vient d’actualiser son scénario énergie-climat 2035-2050, initialement publié en 2013. Parallèlement, l’agence a publié les résultats d’une étude détaillant des propositions de mesures de politiques publiques pour un scénario bas carbone dans différents secteurs d’activités (résidentiel, tertiaire, transport, industrie, agriculture, électricité).
Ces deux documents visent à rectifier les « visions » de l’Ademe et à proposer des mesures complémentaires pour répondre aux nouveaux objectifs exposés par Nicolas Hulot dans le Plan Climat. Ces travaux seront complétés par ceux de la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) et de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), qui sont eux en cours de mis à jour.
Dans ses prospectives, l’agence confirme la possibilité de réduire massivement, à l’horizon 2050, les émissions de gaz à effet de serre (une réduction supérieure à 70% par rapport à 1990) et la consommation d’énergie finale (une réduction de 45% par rapport à 2010).
Agir dans le secteur des transports en s’appuyant sur l’électromobilité
Dans le secteur des transports, le scénario de l’Ademe prévoit une diminution de la consommation d’énergie de 41% d’ici 2035 et de 34% sur la période 2035-2050, ainsi qu’une baisse significative de la consommation de pétrole dès 2030.
« Dans le domaine de la mobilité, l’ambition de la cible à atteindre en 2050 nécessite d’initier la transition du parc dès à présent, à la fois en termes de technologies de propulsion des véhicules, mais aussi en termes de déploiement d’infrastructures énergétiques associées (gaz, électricité) », peut-on lire dans le rapport.
L’Ademe ne cache pas qu’un « effort certain reste encore à réaliser pour espérer atteindre [ces] engagements », notamment dans le secteur du transport dont un certain nombre d’objectifs ne sont pas assortis aujourd’hui de mesures concrètes.
Pour mesurer ces efforts et proposer des mesures idoines pour les atteindre, l’Ademe s’est basée sur plusieurs scénarios depuis 3 ans (Lire la méthodologie en fin d’article).
Elle insiste notamment sur la nécessité d’augmenter le nombre de véhicules électriques et hybrides rechargeables et de ceux fonctionnant au gaz, pour atteindre un niveau moyen d’émissions du parc automobile de 47g CO2/km en 2050 (soit près de 4 fois moins qu’aujourd’hui).
Le déploiement des VE et VHR a le plus d’impact sur la réduction des GES
Selon l’Ademe, dans les transport, c’est la mise en oeuvre de mesures complémentaires sur le VE qui aurait l’impact maximal pour atteindre le facteur 4 (diviser par 4 les émissions de GES en 40 ans).
Elle couvrirait en effet à elle seule plus de 28% des gains obtenus dans l’ensemble des mesures proposées par l’Ademe en évitant l’émission de 7,5 MtCO2eq. Sur le seul secteur du transport, l’essor des VE et hybrides représente même 82% des objectifs de gains d’émissions de CO2.
Dans le détail, la grappe de mesures « déploiement des véhicules particuliers électriques et hybrides » préconise une politique de soutien à l’investissement avec un « super bonus » correspondant à une prime à la conversion pour les VE et VHR de respectivement 3 700 euros et 600 euros.
L’incitation doit également passer par des aides pour le financement des bornes de recharge maintenues jusqu’en 2030 afin de répondre à l’objectif de la loi TECV d’atteindre 7 millions de points de charge d’ici là.
Le scénario précise par ailleurs qu’ « afin de garantir l’amortissement des bornes sur leur durée de vie, un surcoût par kWh sera facturé aux usagers utilisant les bornes de recharge. Une subvention de 1 000 euros par borne de recharge normale installée est accordée dans le but de réduire ce surcoût ». Grâce à cette subvention, les aménageurs pourraient dégager des modèles économiques sans avoir à répercuter les coûts sur les usagers.
Ces mesures, si elles étaient appliquées, entraineraient la mise à la route 8,1 millions de VE et 0,2 millons de VHR supplémentaires par rapport aux précédents scénarios de l’Ademe à l’horizon 2030, et permettre une baisse du taux de diésélisation.
Tout ceci sera possible si la trajectoire de la taxe carbone telle qu’elle est prévue est respectée (100 €/t en 2030) et si la convergence de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE) est réalisée à l’horizon 2022, explique l’Ademe.
Dans ce scénario, les voitures électriques, hybrides et GNV devraient représenter 98% du parc en 2050 tandis que les besoins de mobilité devraient baisser de 24% grâce au télétravail et au développement de l’auto-partage et du covoiturage.
Une autre grappe de mesures concernant le basculement des flottes de bus et poids lourds prévoit le maintien de l’avantage fiscal existant, et son extension aux bus électriques ou hybrides rechargeables, jusqu’en 2030 (soit 7 000 bus électriques supplémentaires par rapport aux précédents scénarios).En effet, la loi consent actuellement un avantage fiscal aux poids lourds roulant au GNV ou au biométhane, qui se traduit par la possibilité de déduire du résultat imposable 40% de la valeur du véhicule.
L’étude de l’Ademe démontre donc qu’ « une attention toute particulière » doit être accordée au déploiement des véhicules électriques et hybrides rechargeables. Les bénéfices de l’électromobilité sont de loin les plus considérables au sein du secteur des transports. Secteur qui lui-même inclut les grappes de mesures les plus importantes en termes de gains d’émissions de GES et de réduction de la consommation énergétique à mettre en oeuvre d’ici 2050… du grain à moudre au menu des Assises de la mobilité qui se poursuivent jusque mi-décembre.
Depuis 3 ans, l’Ademe a travaillé sur plusieurs scénarii qui ont mis en évidence des différences entre les niveaux attendus des émissions de CO2 évitées selon une projection des objectifs législatifs successifs, et ceux réellement calculables et attribuables à des mesures concrètes :
> Un scénario avec mesures existantes (AME) qui représente le scénario de référence mettant en oeuvre uniquement les mesures d’avant 2014 (donc aucune mesure ni objectif de la Loi relative à la Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV)).
> Un scénario AMS1 « avec mesures supplémentaires 1 », mis au point en 2014-2015, qui additionne au scénario AME toutes les mesures de la LTECV (sans pour autant modéliser l’atteinte des objectifs que l’on retrouve dans cette loi)
> Un scénario AMS2 « avec mesures supplémentaires 2 » qui est un AME+AMS1 respectant et simulant l’atteinte de tous les objectifs de la LTECV*
*Les trois grands objectifs de la LTECV sont la réduction de 40% des émissions de GES en 2030 par rapport à 1990 ; porter à 32% la part des ENR en 2030; réduire la consommation d’énergie finale de 20% en 2030 par rapport à 2012.
En travaillant sur AMS2, les experts cherchaient donc à quantifier les objectifs de la loi pour considérer les bons leviers à actionner afin de les atteindre. Or, au cours de leur analyse, ils ont pu mettre en évidence un écart entre le niveau attendu des émissions évitées et la trajectoire obtenue par la seule mise en oeuvre des mesures de politiques publiques prévues par le scénario AMS2.
> Un scénario AMS2 ajusté
Pour prendre en compte et combler cet écart, un détricotage a été nécessaire. Le scénario AMS2 a été analysé et réajusté en dégradant ses résultats. Un scénario « AMS2 ajusté » a vu le jour, délesté en partie des hypothèses d’atteinte d’objectifs non assortis de mesures précises destinées à les atteindre.
Par exemple, dans le secteur du transport, si l’objectif des 15% des carburants d’origine renouvelable en 2030 n’était pas atteint, cela représenterait un surplus d’émissions de gaz à effet de serre (7,2 MtCO2eq).
L’absence de développement de l’éco-conduite engendrerait également un surplus d’émissions important, de l’ordre de 2 MtCO2eq.
Toujours concernant les GES, huit autres objectifs ne bénéficiant pas aujourd’hui de mesures de mise en oeuvre concrètes dégraderaient le scénario AMS2, à des niveaux plus modérés : déploiement des véhicules électriques et hybrides, développement des bornes de recharge, déploiement des véhicules au GNV, émergence des poids lourds au GNV, électrification des quais, développement du fret non routier, lutte contre l’étalement urbain et développement du télétravail.
> Au final un scénario AMS2+
Ne pouvant se satisfaire d’un scénario « AMS2 ajusté » revu à la baisse, l’Ademe a donc écrit un ultime scénario baptisé « AMS2+ » proposant la mise en oeuvre de nouvelles mesures et renforçant certaines déjà existantes pour atteindre les objectifs de la LTECV. De vrais efforts sont à mener d’ici 2035 pour se placer sur une trajectoire permettant de respecter enfin ce scénario.
En savoir plus
Les rapports :
Actualisation du scénario énergie-climat ADEME 2035-2050
Propositions de mesures de politiques publiques pour un scénario bas carbone