Plan Climat : la disparation des véhicules thermiques serait réalisable d’ici 2040
Un rapport parlementaire porté par la députée Huguette Tiegna et le sénateur Stéphane Piednoir s’intéresse à la fois aux conséquences et aux enjeux de la décarbonation du secteur du transport, dans le cadre des objectifs du Plan Climat visant la fin des ventes de voitures particulières émettrices de CO2 en 2040 et la neutralité carbone en 2050. Si ces objectifs sont atteignables, leur réalisation demandera d’importants investissements en recherche et développement.
Commanditée par l’Assemblée Nationale et réalisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et économiques, l’étude « Les scénarios technologiques permettant d’atteindre l’objectif d’un arrêt de lacommercialisation des véhicules thermiques en 2040« , portée par la députée Huguette Tiegna et le sénateur Stéphane Piednoir, s’intéresse aux conséquences et aux enjeux de la décarbonation du secteur du transport. Pour cela, le rapportpropose trois scenarii afin d’établir différentes projections : Médian, Pro-batterie et Pro-hydrogène.
En matière de transition, les évolutions du parc de véhicules thermiques sont similaires dans les trois scénarios. L’objectif reste ainsi une disparition totale des véhicules thermiques non hybrides en 2040. De quoi conduire à diviser les émissions de CO2par 5 par rapport à aujourd’hui.
Alors que le scénario médian table surdes progrès technologiques conformes aux attentes des scientifiques, les scénarii Pro-Batterie et Pro-hydrogène suivent deux orientations différentes. Ainsi, Pro-Batterie évoque des progrès plus rapides qu’attendus en termes de performances et de baisse des coûts des batteries. Dans cette hypothèse, la densité énergétique des packs de batteries atteindrait 210 Wh/kg (contre 130 Wh/kg en 2018), alors que leur coût baisserait à 120 €/kWh (contre 230 €/kWh en 2018).Basé sur des progrès accélérés dans les réservoirs et les piles à combustible, le scénario pro-hydrogène table notamment sur une dimension du tarif de l’hydrogène à 3 €/kilo, soit trois fois moins qu’aujourd’hui.
Chiffrage des coûts
Le coût de cette transition a été chiffrée à « plusieurs centaines de milliards d’euros » sur une période de 20 ans. Du point de vue des recettes, l’impact le plus important est lié à la disparition progressive de la TICPE, la taxe liée à la vente de produits énergétiques et qui concerne aujourd’hui majoritairement les carburants fossiles. En 2019, celle-ci a rapporté 37,7 milliards d’euros dont 45 % dédiés au budget général de l’Etat et 33 % aux collectivités locales.
En matière d’infrastructures, qu’il s’agisse des bornes de recharge ou des stations à hydrogène, les coûts varieraient de 30,7 à 108 milliards d’euros selon les scenarii étudiés.
Un calcul qui ne tient toutefois pas compte des nombreux bénéfices liés au développement des véhicules à faibles émissions, qu’il s’agisse d’impact en matière de santé publique que des conséquences économiques liées à la diminution des importations pétrolières. Sans compter que d’autres mesures fiscales pourront être mises en place pour compenser la baisse de recettes de la TICPE.
Plusieurs recommandations émises
Appuyés par les équipes du CEA et de l’IFP Energies Nouvelles, les rapporteurs ont également défini les conditions nécessaires au développement des véhicules décarbonés. Au total, une trentaine de recommandations opérationnelles ont été identifiées.
Parmi elles figure la diminution de la dépendance européenne vis-à-vis des batteries asiatiques. Alors que la Commission européenne, l’Allemagne et la France travaillent au lancement de consortiums industriels pour développer la filière, le rapport évoque une voie pour protéger l’Europe de ses concurrents asiatiques. Celle-ci consisterait à définir des critères de qualité environnementale, tant sur l’impact carbone de la production qu’en matière de recyclage ou de politique d’approvisionnement.
Autre point évoqué : le recyclage et la seconde vie des batteries. « Comme pour les batteries neuves, il faut définir dès à présent des critères exigeants, par exemple en termes de performance du recyclage, pour protéger cette industrie naissante » notent les auteurs du rapport, appelant à l’évolution de la réglementation européenne. Datant de plus de 10 ans, celle-ci fixe un seuil de recyclage minimum de 50 % alors que les entreprises spécialisées savent désormais le faire à plus de 70 %.
Tout aussi cruciaux pour la filière, les sujets de l’infrastructure et des aides à l’achat sont également évoqués. Pour les aides, les auteurs appellent au maintien des dispositifs existants, notamment le bonus écologique, tant que les prix n’auront pas baissé. « En Norvège, c’est avant tout un prix attractif pour les particuliers qui explique les fortes ventes de véhicules électriques, bien avant les autres avantages » souligne le rapport.
Quant aux infrastructures de recharge, le rapport met en avant deux obstacles majeurs : le respect du droit à la prise et la recharge en entreprise. Deux freins d’importance identifiés de longue date par l’Avere-France et qui devraient être levés par la Loi d’Orientation des Mobilités. Le rapport demande ainsi une simplification du droit à la prise en limitant le délai de réponse à deux mois. Même chose pour la recharge sur le lieu de travail. « L’obligation de payer des charges sociales et des impôts sur la recharge d’un véhicule faite par un salarié dans son entreprise, oblige l’employeur à mettre en place un système complexe de comptage et de facturation » rappellent les auteurs. Un obstacle dont la levée permettrait de rassurer les quelque 35 % de personnes qui ne peuvent disposer d’un point de recharge à domicile. Dans le scénario médian, le rapport évoque 30 millions de points de recharge d’ici 2040, dont près de la moitié seraient « non ouverts au public ».
Une transition à anticiper avec l’ensemble de la filière
S’ils estiment que la disparition des motorisations purement thermiques est « réalisable » d’ici 2040 sur le segment des voitures particulières, les auteurs du rapport appellent à anticiper cette transition avec tous les acteurs concernés.
« Il faut agir avec prudence, en préparant ces transformations à l’avance, en prévoyant les mesures d’accompagnement nécessaires, et en laissant à chacun des acteurs la possibilité de jouer entièrement son rôle » concluent les auteurs du rapport.
Illustrations : Renault / Etude « Les scénarios technologiques permettant d’atteindre l’objectif d’un arrêt de lacommercialisation des véhicules thermiques en 2040«