Étude RTE / Avere-France : une intégration de la mobilité électrique sans difficulté pour le réseau
Fruit de plusieurs mois de travail, l’étude « Les enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique » publiée par RTE et l’Avere-France démontre que le système électrique peut absorber un important développement de la mobilité électrique même avec un pilotage limité de la recharge. De plus, le véhicule électrique présente des atouts écologiques et économiques majeurs quelques soient les hypothèses envisagées.
Si aujourd’hui les véhicules électriques circulant en France sont au nombre de 223 500, tous les scénarios convergent vers un fort développement du marché. A horizon 2035, ils pourraient représenter entre 20 et 40 % du parc automobile français, soit entre 7 et 16 millions de véhicules particuliers et utilitaires.
Afin d’anticiper au mieux l’arrivée massive de ces véhicules sur les routes et leurs impacts sur le système électrique, RTE et l’Avere-France viennent de publier l’étude « Les enjeux du développement de l’électromobilité pour le système électrique ». L’objectif clairement affiché est d’alimenter le débat public et de mettre à disposition des estimations quantitatives solides sur les interactions entre les feuilles de route « énergie » et « mobilité » de la France. Etablie en concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur (parties prenantes du système électrique, du secteur de la mobilité et des ONG), l’étude évalue les comportements, la contribution au mix énergétique ainsi que l’impact économique et écologique de la mobilité électrique. L’ensemble des résultats sera détaillé dans un rapport complet publié courant juin 2019.
Enfin, si un certain nombre de réponses sont apportées par l’étude, celle-ci appelle également à des prolongements notamment pour se confronter dans la durée à la réalité du développement de la mobilité électrique, préciser certains scénarios et intégrer des cas d’usages spécifiques liant déploiement de production d’énergies renouvelables sur site et flottes de véhicules dans les entreprises. RTE et l’Avere-France proposent ainsi de maintenir le groupe de travail déjà constitué, qui permet à des acteurs d’univers très différents de confronter leurs lectures, et de poursuivre le travail sur les différents résultats mis en avant dans le rapport.
Un impact limité de la mobilité électrique sur la consommation électrique française confirmée
L’étude vient confirmer les résultats du bilan prévisionnel de 2017. Du point de vue de la sécurité d’approvisionnement, RTE estime que la consommation d’énergie liée au développement du véhicule électrique ne devrait pas excéder 48 TWh en 2035, soit 10 % de la consommation française. Ainsi, 16 millions de véhicules électriques en circulation correspondraient à la consommation électrique actuelle de la Nouvelle Aquitaine. Il ne s’agit donc pas d’un danger pour la stabilité du réseau puisque cette consommation est moins importante que celle du chauffage résidentiel et est inférieure à l’augmentation de la consommation observée en France entre 2000 et 2010.
Ce niveau de consommation n’impacte également pas la sécurité d’approvisionnement en électricité de la France. Les périodes de forts déplacements comme les vacances scolaires ou les départs en week-end ne constituent pas un motif d’inquiétudes, les pics de consommation n’interviennant pas durant ces périodes au cours desquelles le système électrique dispose de marges abondantes.
Un pilotage de la recharge utile pour gérer la recharge du quotidien, qui renforce la robustesse du système et qui offre des marges de manœuvre supplémentaires sur la transformation du mix électrique ou son utilisation pour décarboner d’autres secteurs
L’enjeu principal se situe sur la recharge du quotidien même si celle-ci est facilement gérable. En effet, les pointes de consommation en électricité liées à celle-ci sont principalement constatées entre 19 heures et 21 heures (avec deux pointes moindres le matin et à la pause méridienne) et peuvent être facilement lissées grâce à la mise en place de solutions simples de pilotage. L’intérêt du pilotage se renforce à l’avenir en permettant par exemple d’adapter la consommation, à l’échelle de la journée et de la semaine, aux variations de la production solaire et éolienne, dans des proportions très intéressantes. En effet, le pilotage permet d’optimiser l’utilisation du parc de production en mettant notamment une demande en face de la production renouvelable qui serait écrêtée sans cela. Cette optimisation conduirait à une sollicitation moindre des unités de production fossiles permettant un gain environnemental sur le parc de production français tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement nécessaire.
Le pilotage est de plus une option sans regret pour le système puisqu’il permet d’assurer la sécurité d’alimentation à moindre coût et permet de dégager des marges supplémentaires considérables (6 GW pour le pilotage simple, 13 GW pour le pilotage dynamique avec injection V2G par rapport à une recharge « naturelle »). Celles-ci accroissent ainsi la robustesse du système et offrent des marges de manœuvre supplémentaires pour la collectivité sur la transformation du mix électrique ou son utilisation pour décarboner d’autres secteurs.
La massification du marché du véhicule électrique offrira des gains économiques aussi bien aux conducteurs qu’au réseau
Retrouvez l’intégralité de l’étude
Du point de vue économique, les imports de pétrole brut qui seraient évités à l’horizon 2035 par les 15,6 millions de véhicules électriques en circulation représentent plus de 5 milliards d’euros par an, soit de l’ordre de 3 à 8 fois le coût de production de l’électricité pour recharger ces véhicules.
Par ailleurs, les analyses menées démontrent que le pilotage de la recharge permettrait de diviser par deux le coût d’adaptation de la production d’électricité au véhicule électrique. L’adoption de systèmes de pilotage simple permettrait également de réaliser des gains à hauteur d’un milliard d’euros chaque année. Un pilotage plus intelligent et donc plus complexe, adaptant la recharge aux conditions réelles de fonctionnement du mix de production, permettrait de bonifier ces gains de 0,3 milliard d’euros.
Les gains liés à une bonne articulation entre le déploiement de la mobilité électrique et l’évolution du mix énergétique seraient nombreux pour les producteurs d’énergies renouvelables avec par exemple une meilleure stabilité des prix de l’électricité et la réduction des situations de prix faibles ou négatifs.
Du côté des automobilistes, le budget carburant annuel moyen pourrait être divisé par 3 en 2035 grâce au véhicule électrique. En cas d’utilisation de solutions de pilotage, le gain est bien plus grand puisque le budget pourrait alors être divisé par 5. Un automobiliste parcourant entre 14 000 et 15 300 kilomètres par an au volant d’une voiture électrique de catégorie moyenne dépense entre 365 à 400 euros sans pilotage et en heures pleines à domicile. Avec pilotage, les économies supplémentaires seraient :
- De 60 et 170 euros par an grâce à du pilotage simple
- Auxquelles peuvent s’ajouter jusqu’à 100 euros supplémentaires grâce à du pilotage plus évolué et de la recharge réversible.
De manière optimale, un utilisateur combinant recharge réversible, fourniture systématique de services au réseau électrique et recharge intelligente peut envisager un coût annuel nul voire légèrement négatif. Néanmoins, en l’état actuel, le cadre réglementaire rend l’intérêt du V2G limité pour les consommateurs. La réglementation pourrait construire un cadre de régulation pour évaluer l’opportunité d’aménagements éventuellement expérimentaux du cadre de régulation, pourvu que l’équité dans le financement des charges fixes de réseau et de contribution aux charges de service public soit bien préservée. En revanche, combiner mobilité électrique et autoconsommation peut déjà faire sens pour certains foyers et l’intérêt peut être encore plus marqué avec la possibilité de mettre en place une solution de type vehicle-to-home.
Des gains environnementaux évidents
Du point de vue écologique, l’étude met en évidence que les émissions de CO2 d’un véhicule électrique français seraient à minima divisées par 4 par rapport à celles d’un véhicule thermique, cycle de vie complet de la batterie compris. Ainsi, l’utilisation d’un véhicule électrique en France ne conduit à presque aucune émission de CO2 : en comparaison avec un véhicule thermique, les émissions sont diminuées d’un facteur 20.
L’étude confirme ainsi le net avantage du véhicule électrique, même en y intégrant les batteries fabriquées en Chine utilisant de l’électricité carbonée dans leur processus de fabrication. Un gain minimal de 18 Mt CO2 eq par an est ainsi atteignable à horizon 2035.
La fabrication des batteries en France permettrait en plus de réduire l’empreinte globale des transports de 2 à 3 Mt CO2 eq par an. Le pilotage de la recharge est également un moyen de réduire significativement les émissions de CO2 : sa généralisation engendrerait un nouveau gain de 5 MtCO2 eq par an. La réduction des capacité de stockage des batteries et l’augmentation du taux de recyclage (85 % au lieu de 50 %) amélioreraient également la performance environnementale des véhicules électriques de l’ordre de 1 à 2 Mt CO2 eq supplémentaires par an.
Enfin, d’ici à 2035, le développement du véhicule électrique et le pilotage de sa recharge devraient permettre une meilleure intégration des énergies renouvelables sur le réseau à court terme et un moindre recours aux moyens de production fossiles de pointe à long terme.