Retrait américain de l’Accord de Paris : les acteurs de la mobilité électrique contre-attaquent
En retirant son pays de l’Accord de Paris pour le climat, Donald Trump a sérieusement remis en question les efforts menés pour faire émerger un consensus planétaire sur la nécessité d’agir pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Tout comme l’ensemble des activités liées à la transition énergétique, le secteur des mobilités électriques est menacé, mais États, villes et industriels entendent malgré tout poursuivre le mouvement.
Il l’avait promis pendant sa campagne. Il est passé à l’acte ce jeudi 1er juin. Dans une déclaration publique, Donald Trump a annoncé le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris pour le climat. Quelques mots auront suffi pour brutalement remettre en question les efforts menés fin 2015 durant la COP21 pour parvenir à un consensus quasi-universel sur la lutte contre les dérèglements climatiques, et ce, à toutes les échelles du monde.
Le 45ème Président de la deuxième puissance économique mondiale a donc tranché : aux politiques industrielles volontaristes en matière de réduction des impacts environnementaux, ce sont des intérêts plus productivistes qui ont été préférés. Ce choix a sévèrement contrarié les partisans de la première tendance, y compris parmi la sphère économique la plus proche de Donald Trump.
Plusieurs dirigeants d’entreprises favorables à la transition écologique et intégrés à son équipe de conseillers avaient indiqué qu’ils le quitteraient s’il revenait sur la promesse du Bourget. C’est dans cet esprit qu’Elon Musk, PDG de Tesla et rare représentant de la filière automobile électrique dans l’entourage du Président, a expliqué dans un tweet qu’il jetait l’éponge, regrettant une décision « pas bon[ne] pour l’Amérique et le monde ».
Cette séquence illustre la difficulté à trouver un consensus en matière de protection de l’environnement aux États-Unis. Portées par le succès de Paris, quelques avancées notables avaient eu lieu, mais les récentes décisions du Président Trump vont dans le sens totalement inverse. Alors pourquoi un tel changement de cap ? Quelles en seront les implications pour la filière du véhicule électrique ? Existe-t-il des leviers d’action autres que fédéraux ?
La volte-face des États-Unis sur le réchauffement climatique
Face à l’urgence climatique, la communauté mondiale a longtemps attendu des prises de position fortes du deuxième pollueur de la planète, responsable de 18% des rejets de gaz à effet de serre. À l’été 2015, Barack Obama fait un grand pas dans la transition énergétique en présentant un « America’s Clean Power Plan » fort d’ambitieux objectifs de réduction des émissions à l’horizon 2030.
Lors de la COP21, les États-Unis se montrent exigeants mais coopératifs, permettant l’adoption par 195 parties prenantes d’un accord historique. Ce dernier est d’ailleurs signé le 22 avril 2016 et ratifié par l’État fédéral le 3 septembre, en même temps que la Chine. Ségolène Royal, alors Présidente de la Conférence des Parties, se montre confiante : « L’engagement de ces deux pays aussi importants va créer une dynamique positive qui peut entraîner le Canada, l’Australie ou l’Inde. ».
Bien qu’irréversible, l’accord est sérieusement remis en question par Donald Trump durant la campagne pour l’élection présidentielle américaine. Dans ses réunions publiques, le candidat républicain ne fait pas mystère de son climatoscepticisme, allant même jusqu’à expliquer que le changement global est un « canular » monté par la Chine, et promettant la sortie de l’accord. Quatre mois après son accession au pouvoir, et en dépit d’ultimes négociations lors du G7 de Taormine, le Président a bel et bien tenu parole.
Les choix politiques de Donald Trump, une menace pour la filière du véhicule électrique ?
En réalité, Donald Trump n’a pas attendu sa déclaration d’hier pour prendre des mesures peu favorables à l’environnement. Quelques jours à peine après son investiture, il annonçait déjà son intention de relancer l’industrie du charbon, là aussi dans la continuité de sa campagne, très fortement axée sur la volonté de « protéger les emplois ».
C’est d’ailleurs avec ce même argument qu’il a justifié sa volonté d’amender le contenu de la norme CAFE (Corporate Average Fuel Economy), qui avait pour objectif de réduire les émissions polluantes des voitures. Quant au marché du véhicule propre – 150 000 ventes de modèles électriques en 2016 -, il tire principalement sa progression de l’aide fédérale de 7 000 €. En l’état actuel des choses, supprimer cette subvention reviendrait donc purement et simplement à condamner la filière dans le pays, or c’est ce que craignent de nombreux constructeurs.
Largement inspirée par des conseillers issus des lobbies des industries conventionnelles, la position de Donald Trump en la matière repose sur une idée fausse : la transition énergétique détruirait bien plus d’emplois qu’elle n’en créerait. Dans le secteur américain des mobilités, c’est justement l’inverse, et pour cause : plusieurs géants mondiaux de l’automobile qui développement des modèles propres comme Tesla, Chevrolet ou Ford sont des nationaux.
Représentant 48% des ventes au total, les trois véhicules électriques les plus vendus dans le pays en 2016 – dans l’ordre la Tesla Model S, la Chevrolet Volt et la Tesla Model X – sont tous conçus et assemblés sur le territoire avec une main d’œuvre locale, et ce gisement d’emplois n’est pas prêt de se tarir. Encouragés par une demande internationale en plein essor, les industriels comptent bien monter en puissance sur le secteur : Tesla s’apprête par exemple à faire tourner sa future Gigafactory grâce à plusieurs milliers de personnes.
Si la filière industrielle est menacée, la situation est tout aussi incertaine pour le domaine de la recherche. L’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), qui finance de nombreux projets dont certains liés à la mobilité électrique, n’a clairement pas la cote auprès de l’administration Trump : elle pourrait perdre 31% de ses financements et 3 200 employés sur 15 000 dès l’année prochaine.
Face au désengagement de l’État fédéral, États fédérés et grandes villes contre-attaquent
Venue couronner une série de signaux négatifs, l’annonce d’hier a très rapidement suscité de nombreuses réactions internationales, parmi lesquelles celle du Président français. À la fin d’une intervention empreinte de gravité lors de laquelle il a pris acte de la décision, Emmanuel Macron a appelé son homologue d’outre-Atlantique à ne pas renoncer pour autant au combat climatique et à « rendre sa grandeur à notre planète ».
Certains États fédérés, clairement décidés à ne pas suivre l’administration centrale, ont à ce titre fait valoir qu’ils avaient eux-aussi la main sur la filière, et qu’ils comptaient pour leur part continuer à la favoriser. La Californie ainsi que les États de New York et de Washington ont par exemple conjointement annoncé la création d’une « alliance pour le climat ».
Bastion démocrate où Hillary Clinton était largement en tête le 8 novembre, la Californie est une figure de proue de l’opposition à la politique anti-environnementale de Donald Trump, et se montre particulièrement active dans la promotion des mobilités propres : durcissement des normes anti-pollution, octroi de primes à l’achat de véhicules électriques… Son implication lui a permis d’obtenir le soutien d’une douzaine d’autres États dits « du CARB » (California Air Resources Board, du nom de l’agence locale en charge de la qualité de l’air). Parmi eux, celui de New York va par exemple créer une centaine de nouvelles bornes de recharge publiques, et tous proposent des primes à l’achat complémentaires.
À plus fine échelle, les villes du pays n’ont pas attendu la déclaration du Président pour se coaliser. Là-aussi sous houlette californienne, celle du maire de Los Angeles, plus de 30 d’entre avaient déjà annoncé vouloir lancer une grande offensive en faveur des voitures électriques avec l’achat de 115 000 modèles auprès de différents constructeurs pour renouveler leurs flottes. Le bras de fer entre l’administration fédérale tenue par Donald Trump et les coalitions d’acteurs dans les territoires n’en est donc qu’à ses débuts.
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