[Tribune] Oui, le transport lourd peut connaître sa révolution électrique… mais encore faut-il l’y aider !
Développement des bornes de recharge, aides à l’achat, réindustrialisation… Un collectif d’associations et de constructeurs interpelle le gouvernement sur les nombreux défis que devront affronter les poids lourds, alors que la Commission européenne a annoncé vouloir réduire leurs émissions de 90 % d’ici 2040.
En février dernier, la Commission européenne a choisi de s’attaquer aux émissions carbone des poids lourds avec pour objectif une diminution de 90 % de leurs émissions d’ici 2040. Un projet ambitieux mais qui fait face à de nombreux défis. En effet, le secteur du transport routier de marchandises dépend encore des carburants fossiles à 90 %, alors que les difficultés d’approvisionnement liées à l’invasion russe en Ukraine obligent, tout comme le défi climatique, à trouver des solutions alternatives aux énergies fossiles.
La loi de programmation sur l’énergie et le climat est une opportunité pour le Gouvernement de fixer des objectifs clairs et ambitieux pour favoriser l’électrification du transport lourd, qui pèse pour 7% des émissions de CO2 en France.
Les constructeurs à l’assaut de l’électrique
Car c’est bien cette dernière technologie qui sera le premier levier de décarbonation du secteur. Par rapport à son équivalent thermique, un camion électrique de 19 tonnes à 26 tonnes permet de réduire de 82 % les émissions de CO2 sur l’ensemble de son cycle de vie (étude ICCT). Plusieurs modèles de poids lourds zéro émission électrique à batterie sont déjà disponibles sur le marché. La majorité des constructeurs projette de mettre en circulation au moins 50 % de camions neufs électriques à batteries d’ici 2030, avec des niveaux d’autonomie qui atteindront 450 km à 500 km dès 2025.
Dans cette transformation, les enjeux industriels sont de taille : l’ensemble de la chaine de valeur, des véhicules et des batteries, de l’extraction jusqu’au recyclage doit s’ancrer en Europe car d’ici 2035, les poids lourds représenteront 15 % à 20 % de la demande de batteries.
Les acteurs de la recharge se mobilisent
Mais l’électrification pose le problème de la recharge. Si le camion électrique de ville se recharge généralement la nuit au dépôt, pour les plus longues distances, un camion avec la même charge utile qu’un camion diesel pourra parcourir 800 km par jour en se chargeant pendant la pause méridienne. L’écosystème est impliqué : par exemple, les constructeurs Volvo, Daimler et Traton se sont lancés dans le déploiement du réseau Milence, se fixant comme objectif 1 700 points de recharge d’ici 2027.
Côté autoroutes, APRR et ENGIE Vianeo d’une part, et VINCI Autoroutes d’autre part, ont annoncé les premiers déploiements de stations de recharge très haute puissance dédiées aux poids lourds électriques et aux autocars longue distance. Le gouvernement doit accompagner la filière dans la planification du déploiement d’un réseau de recharge sur les grands axes.
Des aides supplémentaires nécessaires à la transition
Pour les transporteurs, le principal frein reste aujourd’hui le surcoût à l’achat. Dans certains cas comme la logistique urbaine, le coût total de possession est, avec les aides publiques actuelles, déjà inférieur à celui des véhicules diesel. A moyen terme, le camion électrique à batterie sera plus compétitif que son équivalent thermique, et ce, sans aucune aide publique. Mais en attendant, le renforcement des aides est absolument indispensable pour faire décoller le marché, en faisant baisser rapidement les coûts. Le ministre délégué chargé des Transports Clément Beaune a récemment confirmé une enveloppe additionnelle pour l’achat de véhicules électriques.
Néanmoins, celle-ci n’étant valable que jusqu’à fin 2023, il est indispensable de voir plus loin, en inscrivant dans la loi de finances une aide à l’achat sur plusieurs années. Les prochains mois seront décisifs pour renforcer la transition vers l’électrique. Industriels, transporteurs, collectivités sont mobilisés pour faire de l’électrification un succès. Au gouvernement désormais d’accompagner le mouvement et de faire de la France un pays leader en matière de décarbonation du transport lourd !
Tribune rédigée par :
- Antoine HERTEMAN (Président de l’Avere-France) ;
- Christine GOUBET-MILHAUD (Présidente de l’Union française de l’électricité) ;
- Diane STRAUSS (Directrice France de Transport & Environnement) ;
- Athina ARGYRIOU (Présidente déléguée de la Chambre syndicale des importateurs de l’automobile et du motocycle) ;
- Christophe MARTIN (Directeur général de Renault Trucks) ;
- Carl-Magnus NORDEN (Fondateur de Volta Trucks) ;
- Pierre COPPEY (Directeur général adjoint de VINCI et président de VINCI Autoroutes) ;
- Didier LIAUTAUD (Directeur général d’ENGIE Vianeo) ;
- Vanessa BISCONTI-CATEAU (Directrice générale d’ABB E-mobility) ;
- Guillaume HERENT (Directeur général d’APRR-AREA).