Un contrat stratégique de filière faisant la part belle au véhicule électrique et autonome
La filière automobile et le gouvernement viennent de signer une feuille de route pour la période 2018-2022. Ce contrat stratégique va permettre d’accompagner les acteurs français de la filière, y compris sur le volet recherche, afin d’assurer leur compétitivité face aux révolutions technologiques à venir. Trois grandes priorités ont été annoncées : le développement du véhicule électrique avec une multiplication des immatriculations, les véhicules autonomes et l’accompagnement de la filière sur le plan de l’emploi.
Présenté au gouvernement le 22 mai par les représentants de l’industrie automobile française, ce contrat stratégique garanti un environnement stable et propice pour permettre au secteur de relever les enjeux majeurs des prochaines années, alors que la filière représente aujourd’hui plus de 800 000 emplois.
Des engagements réciproques ont ainsi été pris entre les Ministères des Transports, de la Transition Ecologique et Solidaire et de l’Economie avec les acteurs de la filière automobile, notamment pour accompagner le déploiement à grande échelle des véhicules autonomes et à faibles émissions, dans le respect de la neutralité technologique. Le développement d’une mobilité plus propre et moins émettrice de CO2 et d’émissions polluantes passera également par la mise en place d’une filière de réutilisation des matériaux utilisés. Cela permettra de réussir la transition énergétique, de contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air, d’engager le secteur dans l’économie circulaire et d’aider à l’atteinte des objectifs de l’accord de Paris de 2015.
Multiplier par cinq le nombre de véhicules électriques
Aujourd’hui, avec plus de 168 000 modèles rechargeables en circulation dont plus de 139 000 électriques, la France détient l’un des plus grands parcs de véhicules à faibles émissions d’Europe. Cependant, la récente décision de la Commission Européenne de renvoyer la France devant la Cour de justice de l’Union Européenne pour non-respect des normes de qualité de l’air oblige les pouvoirs publics à prendre aujourd’hui des mesures écologiques fortes. Ainsi, le nombre de véhicules électriques devrait être multiplié par cinq d’ici 2022.
L’objectif est ambitieux et symbolique : le gouvernement souhaite voir circuler un million de véhicules branchés d’ici 2022, soit 600 000 modèles 100 % électrique et 400 000 hybrides rechargeables, qu’il s’agisse de véhicules particuliers ou utilitaires.
Les constructeurs français sont déjà prêts à relever le défi : alors que Renault est l’un des leaders mondiaux du secteur, le Groupe PSA a récemment annoncé vouloir offrir une motorisation électrifiée sur l’ensemble de ses modèles d’ici à 2025. Les acteurs de la filière se sont ainsi engagés à poursuivre leurs investissements pour adapter leurs plateformes et outils productifs afin d’offrir une large gamme de modèles adaptés à l’ensemble des besoins des automobilistes.
Pour réussir ce challenge, un bonus écologique devrait être conservé au moins jusqu’en 2022, afin de réduire l’écart entre les prix de vente des modèles électriques et ceux de leurs équivalents thermiques. De plus, le contrat analysera l’opportunité du retour du bonus écologique pour les hybrides rechargeables « performants », supprimé par la Loi de Finances 2018. Cécile Goubet, Secrétaire Générale de l’Avere-France, s’en félicite : « Cette disposition permet de donner la stabilité et la visibilité nécessaires au secteur ainsi qu’aux acquéreurs. Les objectifs fixés sont ambitieux, le montant du bonus et son champ d’application seront primordiaux afin de les atteindre ». En Norvège, la stratégie pluriannuelle avait par exemple permis d’offrir la visibilité nécessaire à la filière et de garantir le soutien de l’Etat tout le long de la phase de massification du marché.
Les collectivités territoriales sont également invitées à participer à ce projet d’avenir en offrant aux conducteurs de véhicules à faibles émissions des avantages à l’usage comme par exemple des tarifs privilégiés, voire la gratuité, pour le stationnement.
Enfin, le CCFA assurera un suivi mensuel des immatriculations de véhicules à faibles émissions qui sera réalisé en collaboration avec l’Avere-France. Joseph Beretta, Président de l’Avere-France, se réjouit : « Ce contrat stratégique de filière conforte toutes les actions déjà lancées par l’Avere-France. Cette collaboration avec le CCFA permettra de fédérer toute la filière électromobile pour atteindre les objectifs ambitieux pris dans le cadre du contrat de filière ».
100 000 bornes de recharge en 2022
Avec la hausse significative du nombre de véhicules électriques en circulation, le déploiement de nouvelles infrastructures de recharge sera nécessaire. L’Etat souhaite ainsi assurer un cadre juridique et financier favorable à l’installation de points de charge. Celui-ci pourrait par exemple faciliter le droit à la prise et le pré-équipement des parkings, dont les obligations actuelles peuvent être mal comprises. Les incitations fiscales au déploiement d’infrastructures de recharge dans les lieux privés seront également maintenues au moins jusqu’en 2022.
Pour faciliter les longs trajets, les pouvoirs publics souhaitent atteindre un nombre de 100 000 bornes disponibles sur le territoire à l’horizon 2022. Cela représenterait un ratio d’un point de charge pour dix véhicules comme recommandé par la Commission Européenne, à condition que l’on atteigne le million d’automobiles à faibles émissions en circulation. Aujourd’hui, celui-ci s’élève en moyenne à une prise pour 5,7 unités.
Pour y arriver, le gouvernement souhaite soutenir financièrement les acteurs qui assureront le déploiement des infrastructures de recharge. Une meilleure prise en charge des coûts de raccordement au réseau électrique est par exemple prévue, notamment par le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité.
De plus, un dispositif d’installation de bornes à la demande sera envisagé, afin d’assurer l’utilisation et la rentabilité de l’infrastructure déployée.
Faciliter la circulation des véhicules autonomes
Dans un futur proche, les véhicules, navettes ou robots taxis autonomes vont permettre de répondre à de nouveaux besoins et de nouvelles attentes de mobilité de la part des usagers et des entreprises.
Alors que le gouvernement a annoncé vouloir autoriser la circulation des véhicules autonomes sur les routes en 2019, un appel à projets doté d’un fond de 40 millions d’euros sera lancé en juin prochain. Il visera à soutenir un ensemble d’expérimentations dans le domaine de l’autonomisation, la circulation sur routes ouvertes ou les protocoles de communication entre le véhicule et son environnement. Des travaux de standardisation et normalisation offriront une méthodologie d’expérimentation et d’évaluation commune partagée entre les différents acteurs, qui pourront ainsi plus facilement mettre en commun les données collectées.
Depuis 2014, 54 essais sur routes ouvertes ont été autorisées en France dont 26 utilisant des véhicules particuliers. Le contrat de filière souhaite aujourd’hui continuer à expérimenter des modèles autonomes puisque plusieurs essais seront organisés dès 2019 sur des territoires distincts, frontaliers pour certains, afin de valider les différents types d’usages possibles ainsi que leur acceptation par la population. Des partenariats entre les secteurs public et privé permettront de financer ces projets, que ce soit par la mise à disposition de véhicules ou les crédits du Plan d’Investissement d’Avenir.
Enfin, de nombreux acteurs tels des constructeurs, opérateurs de transport et instituts de recherche encadrés par la PFA rendront leurs premiers enseignements en 2021.
Développer l’hydrogène en mobilité
Comme l’électricité, l’hydrogène offre un excellent bilan CO2 dès lors que l’énergie utilisée est décarbonée. Aujourd’hui, son utilisation comme carburant est encore très limitée en France et se concentre sur quelques flottes captives d’utilitaires et de taxis.
Pour multiplier les usages, une filière complète de l’hydrogène doit être créée en France, de la production de l’énergie à la maintenance des véhicules. Accompagnée par les pouvoirs publics, elle participera à l’économie nationale une fois la compétitivité de la mobilité hydrogène confirmée par rapport à d’autres technologies. Pour cela, l’industrie française contribuera à promouvoir les expérimentations (véhicules utilitaires légers, véhicules industriels et flottes captives) tandis que les pouvoirs publics faciliteront le déploiement des infrastructures de ravitaillement, au cœur de « vallées de l’hydrogène ». Une réglementation spécifique à ces dernières devrait entrer en vigueur d’ici à 2020, l’objectif étant d’atteindre 200 stations en 2022 et 600 en 2030.
Du côté des véhicules, les constructeurs et les équipementiers se sont engagés à offrir au moins un modèle français d’ici à 2023, si le business model de l’hydrogène est confirmé.
Le soutien des pouvoirs publics passera par plusieurs initiatives :
- Le déploiement de stations de ravitaillement tous les 50 kilomètres le long des grands axes de circulation, et une pour 100 000 habitants en agglomération ;
- La préconisation d’un taux de véhicules à pile à combustible dans les commandes publiques ;
- Le déploiement des infrastructures hydrogène rendu obligatoire au niveau de l’AFID ;
- Le développement d’une certification nationale pour les réseaux.
Faire émerger une offre industrielle de batteries
La transition énergétique vers un parc automobile électrifié va entrainer une forte croissante des besoins en batteries. Compte tenu du caractère stratégique de ce marché face aux concurrents mondiaux ainsi que de son poids économique, l’émergence d’une industrie française et européenne est aujourd’hui considérée comme prioritaire par le gouvernement.
En effet, selon le scénario de référence de la filière, les besoins annuels en batterie pour la mobilité seraient de 154 GWh pour l’Europe en 2030, soit 23 fois la demande par rapport à 2016. En France, le marché nécessiterait pas moins de 41 GWh.
En complément du projet d’Airbus de la batterie, les pouvoirs publics souhaitent ainsi voir se développer une offre industrielle nationale, en visant tout particulièrement les modèles de quatrième génération dites « à très haute puissance » et dont les premières applications sont attendues pour 2023. Cette technologie nécessitera des composants et des procédés différents de ceux nécessaires à la technologie des batteries liquides. Anticiper cette transition est une opportunité unique pour prendre la tête d’un secteur en forte croissance, face aux pays d’Europe de l’est et d’Asie. Le défi financier qui se présente portera sur la diminution des coûts sur l’ensemble de la chaîne de valeur, pour atteindre 90 €/kWh en 2022 puis 75 €/kWh en 2030. Du point de vue de la technologie, plusieurs objectifs de performance sont fixés telles l’amélioration des temps de charge et l’augmentation de l’autonomie des véhicules.
Pour atteindre cet objectif, plusieurs groupes de travail alliant la filière industrielle et la recherche se réuniront afin de proposer un module standard de production de 1 GWh de capacité en 2022, prêt à être mis en production en 2025.
Accompagner la transformation des métiers
Avec le développement de ces nouvelles technologies, les représentants de la filière automobile anticipent un grand besoin en compétences nouvelles. Ainsi, la filière amont prévoit le recrutement de 25 000 personnes chaque année entre 2018 et 2022 dont 8 000 ingénieurs, 6 000 techniciens et 9 000 ouvriers, tandis que la filière avale envisage le recrutement annuel de 40 000 vendeurs, employés et ouvriers d’ici à 2022.
Au travers de ce contrat stratégique, l’Etat va soutenir la filière et les organismes de formation pour anticiper et faciliter la transformation des métiers, et ainsi accompagner la formation et l’évolution des compétences grâce à une augmentation de 50 % du nombre d’apprentis d’ici à 2022. De nouvelles formations feront également leur apparition pour s’adapter aux mutations de la filière et accompagner les évolutions des compétences.
Le Fond Avenir Automobile créé en 2009 va également être prolongé jusqu’en 2022 avec un budget supplémentaire de 135 millions d’euros. La Banque Publique d’Investissement va pouvoir accompagner plus de 150 entreprises, principalement des PME, afin de leur permettre de grandir et de se développer à l’international.
Crédits : Ministère de l’Economie